La théorie de la piscine
Voler, c’est un peu comme aller à la piscine. Je ne parle pas seulement des bactéries. On s’extirpe du chaud de la couette pour plonger dans un grand bain, ou se retrouver à dix mille pieds d’altitude. Le plus dur est ce qui sépare les deux instants : un chemin rapide mais douloureux.
Avant d’aller nager, une vérification des horaires d’ouverture est conseillée, afin de ne pas y aller pour rien. Un coup d’œil à la fenêtre pour voir s’il ne pleut pas.
En se levant pour aller travailler on appelle obligatoirement le service téléphonique de la compagnie, la "ligne des retards". En cas de changements et surtout de retard, une voix monocorde vous le signale.
« Vous n’avez aucun changement à signaler »
Superzut, il faut y aller alors*. La voix précise quand même : « Si vous êtes malade ou non aptes à voler, tapez deux »
Coté bassin, il est bien tentant de taper deux lorsque l’on n’a que son libre arbitre qui n’a pas forcément envie d’aller faire des longueurs : il fait froid, on se traîne jusqu’à la piscine dans des températures souvent pas sympas. Le summum de la vulnérabilité : se balader en maillot de bain dans des couloirs froids. Enfilage du bonnet de bain en faisant la grimace, idem pour le chapeau d’hôtesse de l’air qui passera le plus clair de sont temps à glisser.
Avant d’embarquer on doit se frayer un chemin jusqu’au briefing qui précède chaque vol. Un peu comme des étirements avant l’exercice, il vaut mieux TOUJOURS écouter ce qui se dit pendant le briefing. A la piscine on oublie toujours un truc, plus ou moins embêtant (serviette de bain, brosse.. ) A bord il y a une multitude de choses potentiellement oubliables : tablier pour le service, uniforme de rechange, gants pour le four.. La chose à ne surtout pas oublier c’est son badge d’aéroport, on son passeport. Ce serait comme aller nager sans maillot de bain, compliqué. On a plus qu’à retourner chez soi.
Que ce soit dans l’eau ou dans les airs, on est tous égaux. En slips de bain plus d’ouvriers, chômeurs ou cadres: on pourrait nager à coté d’un député que l’on n’en saurait rien. Vous imaginez surement que les hôtesses de l’air ont la même origine sociale, le même âge, le même physique. Pas du tout. J’irai presque jusqu’à dire que l’on parait sans âge, tous et toutes habillés pareil dans un même espace confiné.
Ensuite tout est une question de proportion. Les lignes d’eau des piscines parisiennes sont ridiculement étroites : doubler, crawler en toute sérénité demande une certaine pratique. Les allées des avions ne laissent passer qu’une personne OU un charriot. Avec de la rapidité et de l’entrainement : une personne ET un charriot. Ou deux personnes et un charriot si l’on est adepte de la contorsion.
Voyager un peu partout agit un peu comme une drogue avec un effet planant, un peu comme le sport. Le meilleur moment de la piscine ? La douche bien sur, haha. A la fin d’un vol on n’a qu’une envie : prendre une longue douche chaude, ce qui est strictement déconseillé, histoire de pression de températures dans le corps.
Deux semaines sans nager et je ne tiens plus en place. Deux mois sans voler, je deviens infréquentable insupportable.
*TOUJOURS appeler la delay line : première chose à faire avant même de quitter le lit. Celle-ci évite de se pointer à l’aéroport en pleine nuit alors que l’avion est bêtement immobilisé à cause d’un problème technique.