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Voyages, bagages et nuages: le point de vue d'une hôtesse de l'air dans des grands oiseaux en fer.

30 Oct

Welcome to the dark side

Publié par Julie  - Catégories :  #Ciel

Demandez à n’importe quels hôtesses de l’air ou stewards, ou presque, passé trente-cinq ans : Ça te manque les longs courriers?

 

Un bon nombre de PNC demandent à ne faire que des petits courriers une fois qu’ils ont des enfants, afin d’avoir un semblant d’horaires et de vie normales.

 

Une ombre furtive passe sur leur visage, comme si on les avait assigné à une position A pour le restant de leurs jours*. La réponse ne varie pas beaucoup: Non. J’en ai bien profité, maintenant je ne veux plus en faire, c’est un choix.

 

Avec une lueur dans le regard, une pointe de regret dans la voix. Celle d’un fêtard invétéré qui aspire enfin à une vie plus calme. Un joueur qui s’est enfin rangé. Un sportif qui se retire de la haute compétition.

 

On sent qu’ils ont une foule d’histoires à raconter, les meilleurs et pires moments de leur vie**. Des aventures aux quatre coins du monde mais pas seulement, des histoires d’avions aussi. Des engins en feux, des turbulences à vous en filer des frissons. Certains ont peut être expérimentés des trous d’air, qui sait.

 

Qu’est ce qu’un long courrier ? C’est pour ça qu’on à tous commencer, le nerf de la guerre. Qui aurait envie d’aller en Grèce trois fois dans la même semaine sans poser le pied dans l’aéroport. C’est un vol au-delà de cinq heures. Si seulement. Beaucoup sont entre huit et douze heures, voire plus. Le pire dont je me souviens: seize heures !! Arghh.

 

Des fois c’est si long qu’on oublie qu’on est dans l’avion. On fait des jeux pour se tenir éveillé. On peut même faire des recettes de cuisine ou autres bêtises. Ça devient une grande cour de récré où on peut circuler librement une fois que les lumières de la cabine sont éteintes.Quoi de mieux qu’un avion VIDE ?? Un avion endormi, on se croirait dans un bateau pirate. L’airbus 380 est parfait pour ça : deux étages, des escaliers des deux cotés, vous pouvez donc perdre à cache-cache, ha.

 

Un long courrier n’est pas le problème, ni même deux ou trois ou dix. Comptez environ huit par mois, douze mois dans l’année, sur des dizaines d’années. Ça fait des millions d’heures passées dans cette boite de sardines, la terre pourrait s’écrouler qu’on n’en saurait rien. Avec à chaque fois des jours pour s’en remettre. Un peu éprouvant mais le jeu en vaut la chandelle.

 

N’importe qui pense surtout au OU, cette ville sympa ou on va rester plusieurs jours. Nous avons plutôt en tète à un code de trois lettres***, et ce qu’il y a avant : le vol. Avec son profil de passagers, un vol de six heures pour Bangkok n’aura rien à voir avec un six heures Moscou. On sait à peu près à quoi s’attendre. Si les gens vont vouloir boire dès le matin par exemple, mettre le souk en se tapant dessus, que du bonheur. On pense aussi à l’emplacement de l’hôtel, si jamais il est à deux heures de la ville. Tout un tas de facteurs qui viennent polluer cette vision à priori de la destination.

 

Alors oui une fois qu’on est arrivé c’est génial,

 

Sauter d’un pont en Nouvelle Zélande, se réveiller en plein Manhattan, surfer dans les vagues australiennes pour repartir le soir. En à peine trois ans j’ai un tas de souvenir de mes escales, alors imaginez en quinze ans, ces vétérans stewards auraient de quoi écrire un dictionnaire. Pourquoi arrêter ces vols qui ne promettent que des parenthèses enchantées dans des endroits exotiques ?

 

Le coté obscur c’est la fatigue à peine descriptible, et le fait d’être loin aussi longtemps et régulièrement. Rater systématiquement Noel****, ne jamais savoir quel jour on est. Ce va et vient incessant, la durée des escales se comptent en heures et une bonne majorité ne dépassent pas les vingt-quatre heures. La solitude des chambres d’hôtels – certes magnifiques - à l’autre bout du monde. Les collègues qui vont être tout pendant plusieurs jours, puis on change d’équipe le vol d’après. Demandez à un steward « Ai-je volé avec toi ? » reviens à l’équivalent de « Avons nous gardé les moutons ensemble ?’. Ou plein de moutons s’il y a eu un souci qui nous a marqué.

 

La principale raison qui les a fait arrêter : leur famille et enfants, difficile de prendre soin d’eux quand on part pour un multiple secteur pendant cinq jours en Océanie. L’envie d’une vie sociale normale aussi.

 

Une hôtesse m’a raconté avoir fondu en larmes après avoir été appelé pour assurer un vol à Orlando. C’est donc un bon signal d’arrêt, quand on a plus qu’une envie, celle de s’accrocher à sa valise pour ne pas y aller :)

 

* A position veut dire que l'on n'a pas de responsabilités liées à la sécurité. Pas de portion de cabine à gérer ni de portes, pas d'armements de toboggans.. Une personne en plus pour le service en gros.

 

** Vous savez bien ce qu’on dit : ce qui se passe en escale reste en escale.

 

*** Il y en a un paquet, qu’il faut bien connaître et pas confondre. Sinon on sera bien surpris d’aller à Madras au lieu de Madrid. J’étais convaincu de faire des allers retour à Parmes en Italie, alors qu’en fait PMI c’est Palma de Majorque en Espagne. En anglais ça se prononce pareil, aussi.

 

**** Une petite coréenne qui comptait démissionner : C’est quoi la vie si tu rates toujours l’anniversaire de ta maman ? Cute.

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